Lors de mon premier voyage au Japon, il y a une vingtaine d’années, mon palais avait été conquis par une épice unique : le sanshō .
Qu’est-ce que le sansho ?
Cette petite baie est indissociable de l’un des fleurons de la gastronomie japonaise, la fameuse anguille grillée « Unagi », nappée de sa sauce sucrée et délicatement posée sur un lit de riz au brillant et à la texture parfaite, comme seuls les japonais savent le préparer. La coque de la baie encore verte et séchée est moulue et garnit donc le Kabayaki ou anguille Unagi teriyaki.
La poudre de sansho sert à relever ce plat, en atténuant le sucre et en maintenant une bonne satiété. Le sansho est également l’ingrédient principal du mélange d’épices Shichimi, sept saveurs en japonais, servant à relever Yakitori, Soba, Udon…
Le sansho moulu, aux saveurs de citronnelle presque mentholée.
Les vertus pharmaceutiques du sansho
En plus de son utilisation en tant que condiment pour la nourriture quotidienne, le sansho est aussi utilisé en quantité par l’industrie médicale et cosmétique pour ses vertus pharmaceutiques. Il fait partie des médicaments utilisés au Japon depuis les temps anciens. Ses ingrédients actifs incluent polyphénol, sanshool et shansho amid. Le polyphénol du sansho a un effet anti-oxydant . Il préviendrait le cancer, les maladies cardiaques et les troubles d’irrigation sanguine du cerveau, améliorerait la circulation du sang. Le sanshool active les organes internes et améliore la digestion. L’action du sanshool comme brûleur de graisse est l’une des raisons de la popularité du sansho comme complément diététique et minceur.
A la découverte du meilleur sansho du monde
C’est au cœur de la Préfecture de Wakayama que j’ai découvert, indiscutablement, le meilleur sansho du monde. J’affectionne plus précisément le sansho raisin. Les baies poussent sur les branches de ce petit arbre comme une grappe de raisin.
La fleur de Sansho, qui fleurit à partir de fin avril jusqu’au début du mois de mai, est servie dans les restaurants de grande classe. Son parfum de menthe, rafraîchissant, est le régal de la saison.
La récolte des baies vertes (mes préférées, car très fraîches et très agrumes, aux notes très épicées et électriques jusqu’à parfois anesthésiantes sur le bout de la langue) se fait au mois de mai, sur une seule semaine. L’été est la période d’activité la plus intense pour les producteurs de Sansho. La récolte se fait pour la plupart avant que les graines ne commencent à mûrir dans l’arbre.
La récolte des baies sansho.
Ce qui est incroyable, c’est qu’il y a 3 ans, la production a été très sérieusement menacée, faute de consommation par les japonais eux-mêmes. Le produit tombait en désuétude et n’attirait guère l’attention des jeunes générations.
Mon fournisseur, la maison Kaneichi, me demanda alors de témoigner, lors d’une émission de grande écoute publiée sur la chaîne de télévision NHK XXX, sur l’intérêt, la passion que procurait le sansho en Europe. En effet, il s’agissait d’un des produits les plus utilisés par nos clients artisans des métiers de bouche. Ceci a beaucoup contribué à relancer la maison Kaneichi menacée de disparition.
L’implantation des arbres à sansho à Wakayama
L’arrière-grand-père de Madame Yamamoto (3e génération à diriger la maison Kaneishi), Katsunosuke Yamamoto, a propagé le commerce du sansho dans la préfecture de Wakayama au 19e siècle. Sa patrie, la Préfecture de Wakayama, avec ses montagnes et ses collines, n’était pas propice à la culture de ces baies. Cependant Katsunosuke San a trouvé qu’il était bon d’y planter des arbres à sansho.
Il a partagé de jeunes plants de shansho avec des agriculteurs moins privilégiés qui n’avaient que quelques terres arables. Il leur a montré comment utiliser les côteaux pour obtenir un bon rendement, même dans un environnement difficile tel que le leur. Il s’est engagé à acheter toute la production des baies de sansho séchées afin de les fournir à des entreprises pharmaceutiques qui sont devenues par la suite des entreprises géantes, telles que Takeda et Shionogi.
Un arbre à Sansho
Rapidement, le rendement et la qualité du sansho de Wakayama ont acquis une réputation établie au niveau national. Aujourd’hui, Wakayama produit 300 tonnes de Sansho par an, ce qui présente 80 % de la production nationale.
Arbres à sansho en bordure de rizière
La maison Kaneichi
Le nom Kaneichi est fait de deux parties, « kane » et « ichi ». « kane » vient d’un outil de charpentier destiné à corriger les angles : il donne donc le sens de la droiture dans la commerce, et « ichi » veut dire « le premier », signifie que l’honnêteté est ce qu’il y a de plus important.
L’esprit de la société depuis sa création ? « Quand on ne se protège pas contre la pluie, il pleuvra. ».
Le fondateur de la maison Kaneichi explique : « La pluie n’est pas prévisible. S’il pleut, on ne peut pas travailler même si on a un travail urgent, donc on cause des ennuis aux clients, et résultat : on perd la confiance du client. Le plus important pour un commerçant, c’est d’établir, et ensuite garder la confiance. Si on la perd, cela signifie la mort du commerce. Il faut toujours se préparer en cas de pluie, prévoir bien d’avance et travailler efficacement, pour ne pas causer des ennuis aux clients. »
Le sansho en cuisine
Le sansho est vraiment une épice unique. Elle relève à merveille les tartares de viandes et de poissons, les mayonnaises, les poissons grillés, le chocolat, la mangue, les poires… Et elle stimule l’appétit !
Retrouvez les baies de sansho sur la boutique Nishikidori.